Me voilà, encore ! - pourtant cela fait bien des mois que je n’ai pas penché ma tête au-dessus d’un clavier magique ; la seule lumière dans la nuit lorsque le silence s’improvise maître du monde.
Le vent frais d’une nuit de mi-juillet passe par la fenêtre de la chambre où j’ai vu les années s’envoler, comme les vœux déposés sur la fleur de pissenlit. Je continue de la cueillir sur le pas de ma porte lorsque le soleil devient plus chaud et insistant. Je continue de fermer les yeux en soufflant très fort, avec l’espoir que je tiens en mon cœur. Des vœux, j’en fais tous les jours. Un cil, un trèfle à quatre feuilles, une étoile, une première fois, une promesse, mes bougies d’anniversaire… Oh oui, c’est vrai, j’ai eu 18 ans il y a quelques jours. J’ai soufflé mes bougies deux fois en faisant presque le même vœu sans m’en rendre compte, et j’ai pris peur en réalisant que je souhaitais certaines choses si fort.
Cela fait bien des mois que je n’ai pas vraiment écrit. Pas le temps. Trop occupée à vivre. Trop occupée à gribouiller dans mes carnets malpropres, ceux dont on me réclame la lecture de manière incessante, et je n’arrive pas à comprendre pourquoi. Qui voudrait lire une telle avalanche de pensées et de sentiments mal articulés ? Mes répétitions ? Mes fautes ? Toutes ces erreurs ? Mon encre qui coule pour couvrir les quelques traces de larmes ?
Trop occupée à aimer. A donner, donner, donner jusqu’à n’avoir plus rien d’autre que la sensation fantôme d’un baiser sur le coin des lèvres. La légèreté part et vient comme les vagues : je suis souvent d’une humeur volatile, je m’éparpille partout et me perds en joies, en amours, en nostalgies.
Oh, quelle nostalgie. On répète à mon cœur que je pars, que je ne verrais plus le sourire bleu de la côte ni les fantômes qui se baladent dans les rues de mon adolescence. Chaque recoin me rappelle un visage ou une aventure. Cette ville est un nid à souvenirs, et je ne supporte plus de m’y balader en sentant cette voix murmurant en moi des questions sans réponses. Elle ne comprend pas pourquoi j’ai fait le choix de partir.
C’est vrai, pourquoi ? C’est donc ça, s’en tenir à ses espoirs ? C’est donc aussi douloureux de voir ses vœux naître et vivre sous ses yeux ? Je pleure à l’idée de quitter mon berceau, et pourtant, c’était sans doute mon plus grand rêve. Mais je n’avais pas pensé à l’amour. J’avais oublié qu’en aimant aussi fort, on ne peut partir sans se retourner ; et je le sais car sans même être partie, je ne cesse de regarder en arrière. Je ne cesse de demander un peu plus de temps.
C’est mal écrit. C’est confus. C'est maladroit. Voilà que celle qui écrit chaque jour perd son aisance avec sa propre langue. Voilà que celle qui veut construire sa vie autour de ses mots ne sait plus quoi dire. Peut-être fallait-il me taire pour enfin entendre tout ce que cette terre avait à me dire. Dix-huit ans face à la mer, et j’ignore comment vivre sans pouvoir voir le soleil se refléter sur les vagues. Comment me souvenir de mes amours si la mer ne les reflète plus ? Comment conserver le baiser sur mon front et les mains au creux des miennes si je pars si loin, là-haut, au milieu d’une masse d’inconnus qui ignorent tout de l'air marin ? L’amour survit-il aux distances qui fracassent sa tendresse ? L'amour existe-t-il si je ne peux pas le sentir contre ma peau, au creux de mes mains, sur mon corps ?
Oh, je ne sais pas. J’ignore tout. Ne me demandez pas comment la vie dont j’ai rêvé est devenue réelle. Je n’ai aucune réponse ; à part peut-être mon espoir (très sincèrement).
Je ne sais rien, si ce n’est comment aimer et espérer avec toute mon âme. J’ai appris à prier avant d’apprendre à écrire. On apprend à aimer avant d’apprendre comment le dire. Je suis faîte de larmes et de beaucoup de rêves, d’insouciance et de passion. Je ne sais pas faire autrement, et je m’inquiète souvent de la fragilité de mon cœur.
Le pauvre ne fait rien d’autre que de me supplier d’écrire.