Représentation du Samedi 18 Octobre 2025, par Joel Scholtès, Marie Scholtès, Nicolas Scholtès et Philippe Loli (guitariste). - Association culturelle Vu pas Vu.
À quelques pas d’un coucher de soleil qui fane presque aussi vite qu’une rose, un petit palais accueille des rangs serrés, encombrés de têtes attentives et de bavardages patients. Bien sur, les lumières se taisent pour laisser tout le pouvoir à la petite scène rouge à la fois imposante et intime ; un petit comité curieux ou nostalgique avec bien des rires en poche.
C’est un spectacle porté par les mélodies d’une guitare qui adoucit les rires et les conforte. Elle est comme le double de la voix : celle sur qui le rire repose.
En effet, c’est une comédie du langage que les Scholtés mettent en scène. Dans cette salle, il n’y a en réalité qu’une seule véritable arme : la parole. L’art du spectacle, du paraître et du geste est ici second ; il est dépassé par les sottises de la langue et les bêtises que font parfois les mots, et ce avec joie. Un public hilare est un public qui sait tendre l’oreille. J’aurai très bien pu fermer les yeux et renoncer à cette jolie scène d’un rouge resplendissant, au plaisir de voir les acteurs en bretelles qui gesticulent pour mieux faire porter la valeur de leur voix, et cela ne m’aurait pas empêcher de rire tout autant. On aurait pu venir les yeux bandés sans pour autant manquer quoi que ce soit. Et c’est ainsi que l’on s’illustre la force de la parole.
« Actuellement, notre immeuble est sens dessus dessous » : une seule phrase qui pourrait servir à résumer ce spectacle nostalgique porté par la famille Scholtès. Jacques Brell, Raymond Devos, ou même Molière : le passé est condamné à revivre éternellement sur scène tant qu’il y aura encore des acteurs pour le forcer à se relever. L’humour, la parole, le langage, sont des dons de l’humanité sans date de péremption. Les personnages, comme monsieur Devos, sont incarnés avec un plaisir qui vous dévore les yeux. C’est là que l’on distingue la passion au milieu de l’amusement : dans ces yeux plein d’humour et de malice qui brillent sous les spots.
Des mots fusent dans tous les sens sur un fond rouge : jeux d’élocution pour faire éclore le rire en articulant insensément, ou avec une langue qui fourche sur les syllabes embarrassantes : on s’entraîne à prononcer les voyelles lorsque les consonnes sautent de la bouche confusément, car l’on s’amuse d’une anxiété timide « AAAAAA, EUUUUUU, IIIIIIIIIII - oui, on se doit de prolonger chaque syllabe pour leur prêter un effet de stupidité apprécié - OOOOOOO, UUUUUUU » - et puis, on propulse bien ses lèvres le plus loin possible pour avoir une bouche en coeur risible.
Des jeux de conjugaisons : « L’oui de l’oie a ouï» pour amuser grâce à la splendeur d’une langue française malicieuse. Qui saura trouver le verbe, le placer là où il faut, le conjuguer correctement, puis l’articuler avec brio ? On rit d’une langue qui nous donne souvent la migraine et qui conduit certains à l’abandonner - c’est vrai ! Qui utilise le verbe ouïr dans ce monde simplifié et anglicisé ?! - mais que nous aimons pourtant passionnément. Sinon, pourquoi serions-nous là ? Pourquoi parler et rire si ce n’est pas pour chérir les beautés déconcertantes de notre langue ?
Et puis, des jeux d’expressions, aussi ! Car entre une parole littérale ou figurée, la ligne est fine pour nos personnages bornés. C’est vrai, lorsque l’on s’acharne à semer sa belle mère toute une vie, on récolte ce que l’on sème lorsque son heure sonne. On pense qu’elle va passer de l’autre côté, car c’est ce qu’elle assure faire, jusque’à la voir se lever pour se placer de l’autre côté du salon, et non de la vie ! L’humour est douée lorsqu’il se rapproche de la mort ; sa complice fatale. Il joue avec nos peurs pour les rendre tolérables. Quand la belle-mère demandait ou mettre ses cendres, elle ne s’adressait certainement pas à la faucheuse, mais à son beau fils qui oublie de vider le cendrier…Et c’est ainsi qu’une cigarette rend un public hilare ; c’est ainsi que l’on fait de sa langue son pouvoir le plus gracieux. La musique - qui pourrait être définie comme la langue de l’âme- est aussi un moyen de faire rimer les sottises ; les Scholtès reprennent des chansons entraînantes qui font chantonner un public nostalgique.
Un spectacle comique devient aussi émouvant lorsqu’il réunit une génération qui eut elle aussi mes yeux juvéniles et ignorants un jour. J’ai eu le plaisir et l’honneur de voir un petit comité de personnes se réjouir autour de la comédie. Et c’est ce type d’évènements qui ne me sont pas très familiers me confirment l’influence et le pouvoir qu’ont les mots sur nous. Ils sont une arme qui peut secouer les foules, ou bien les faire rire jusqu’aux larmes. Et pour ce dernier point, nous pouvons assurément compter sur les Scholtès.